Salon Soins et Nature : Quelle est votre définition de la santé intégrative ?
Franck Gigon : La santé intégrative est une approche qui articule intelligemment les connaissances issues de la médecine conventionnelle avec celles des approches complémentaires validées. Elle ne s’oppose pas à la médecine basée sur les preuves, mais l’élargit à la prise en compte du terrain, du mode de vie, de la nutrition, de l’environnement, et des dimensions corps-esprit. C’est une médecine centrée sur la personne, pas seulement sur la maladie.
Salon Soins et Nature : Comment êtes-vous arrivé à ce concept ?
Franck Gigon : Tout a commencé par une volonté de comprendre les causes profondes des symptômes récurrents de mes patients, qui échappent souvent à une lecture strictement symptomatique. Mon parcours en phytothérapie, en nutrition et en médecine fonctionnelle m’a permis de faire le lien entre biologie, environnement, comportements et santé. C’est ce qui m’a amené à m’ouvrir à une vision intégrative, fondée sur des données, mais aussi sur l’écoute du vécu. C’est une pratique anglo-saxonne qui s’est développée dès les années 90, avec des sociétés savantes et des entités reconnues comme la Mayo Clinic qui l’ont intégrée notamment avec des programmes de recherches au sein de leur établissement. Un exemple : l’oncologie intégrative.
Salon Soins et Nature : Concrètement comment l’intégrez-vous dans votre quotidien professionnel ?
Franck Gigon : En consultation et en téléconsultation (plutôt longues), j’utilise des bilans biologiques fonctionnels, des questionnaires approfondis, et j’intègre des prescriptions personnalisées mêlant des recommandations de mode de vie, parfois des compléments alimentaires ciblés (micronutriments, plantes médicinales), et parfois des huiles essentielles (aromathérapie) ou de la photobiomodulation. Je joue aussi un rôle pédagogique : j’aide les patients à devenir les acteurs de leur santé. Cette approche est totalement compatible avec le monde de l’officine, où les conseils de première ligne sont essentiels.
Salon Soins et Nature : Quelle votre vision pour demain : réaliste, idéale ?
Franck Gigon : La santé intégrative va continuer à se structurer, à gagner en reconnaissance. Le virage est amorcé : les patients s’informent, les pharmaciens se forment, les professionnels de santé s’ouvrent. Les protocoles hybrides vont se multiplier, notamment dans les domaines de la douleur, de la santé digestive ou de la prévention des pathologies chroniques.
Les approches naturelles sont de plus en plus soutenues par la science, à condition de bien distinguer les niveaux de preuve. Certaines plantes comme le millepertuis ou le curcuma, des micronutriments comme le magnésium, les oméga-3 ou la mélatonine, font l’objet d’essais cliniques solides, validant leur efficacité dans des indications précises. La tolérance est globalement bonne, mais nécessite une vigilance sur les interactions et la qualité des produits. Des monographies officielles (EMA, ESCOP, ANSES) encadrent leur usage, en parallèle la recherche en toxicologie naturelle progresse. Dans ce contexte, la formation des professionnels de santé est essentielle : d’une part parce que ces domaines restent peu, voire pas abordés durant nos études, et d’autre part parce que le public ne nous attend plus pour chercher des solutions – souvent seul, sur Internet. Il est donc crucial que nous puissions agir comme filtre de premier recours, compétent et sécurisant.
Idéalement, j’imagine un système de santé où le patient est co-acteur, où le pharmacien est un éducateur reconnu en santé naturelle, et où les approches naturelles sont pleinement intégrées, sécurisées, et remboursées en partie, contribuant à réduire le coût global de la santé publique. Le numérique, l’IA et les capteurs de santé pourront probablement soutenir cette évolution de façon intelligente.
Franck Gigon participera à la table-ronde dédiée aux « Pratiques de la santé naturelle en pharmacie : échanges et témoignages de pharmaciens », le mardi 1er juillet à 13h (salle Agora).