Comment concilier rigueur scientifique et soins naturels en pharmacie ?

Kevin Burdin, responsable scientifique et formation pour les pharmacies Anton&Willem, œuvre depuis plus de dix ans à articuler tradition et science au sein des pratiques officinales. Titulaire de nombreux diplômes universitaires en Phytothérapie, Aromathérapie et Micronutrition, ainsi que d’une licence en Herboristerie, il défend une approche rigoureuse fondée sur l’évaluation scientifique des produits, la qualité et la transmission éclairée du savoir. Entretien avec un acteur engagé pour une pharmacie exigeante et responsable.

Salon Soins & Nature : Quelles sont les origines de la pharmacie actuelle ?

Kevin Burdin : L’histoire de la pharmacie trouve ses racines dans la materia medica, c’est-à-dire l’ensemble des substances utilisées à des fins thérapeutiques, majoritairement issues du règne végétal, mais aussi animal, minéral et fongique. Ces remèdes étaient autrefois employés de manière empirique, avec une évaluation très approximative du rapport bénéfices/risques. L’avènement de la pharmacologie, à partir du XIXe siècle, a marqué un tournant en permettant d’identifier les principes actifs, d’en comprendre les mécanismes d’action et d’en standardiser l’usage. Aujourd’hui, on estime que près de 70 % des médicaments commercialisés tirent directement ou indirectement leur origine de structures naturelles. Ce lien fondamental entre pharmacopée végétale et pharmacologie moderne demeure un pilier essentiel de la pratique officinale contemporaine.

Salon Soins & Nature : Quelle est aujourd’hui la place de la naturalité en pharmacie ?

Kevin Burdin : La naturalité est une attente forte des patients, mais elle ne peut être confondue ni avec efficacité, ni avec innocuité. De nombreux produits se revendiquant « naturels » sont en réalité de qualité très inégale, et parfois altérés, voire adultérés. Il ne suffit pas qu’une plante soit naturelle pour qu’elle soit thérapeutique : encore faut-il que sa qualité, son mode d’extraction, sa traçabilité et son usage soient rigoureusement établis. La bonne nouvelle, c’est que les plantes dont l’usage est bien documenté, par la tradition ou par des études modernes, peuvent aujourd’hui être intégrées avec justesse dans le conseil officinal, à condition de disposer des outils pour les évaluer correctement.

Salon Soins & Nature : Les compléments alimentaires sont-ils réellement efficaces ?

Kevin Burdin : C’est une question complexe, parce que la réglementation européenne impose qu’un complément alimentaire n’ait pas d’action pharmacologique. Pourtant, dans la pratique, nombre de formulations visent à accompagner un symptôme ou un déséquilibre. Le flou est entretenu par des allégations de santé parfois génériques, souvent imprécises. La seule voie crédible reste l’objectivation scientifique. Quand un extrait végétal fait l’objet d’études cliniques robustes, portant sur le produit fini, avec des résultats significatifs, on peut alors parler d’efficacité – à condition de le faire dans un cadre adapté, comme la formation des professionnels de santé. C’est cette exigence que je défends chez Anton&Willem.

Salon Soins & Nature : Comment imaginez-vous le métier de pharmacien dans les années à venir ?

Kevin Burdin : Le pharmacien de demain doit devenir un prescripteur au sens large. Son rôle est d’accompagner les patients tout au long de leur parcours de soin et de santé, en s’appuyant sur les médicaments du quotidien, mais aussi sur des produits à base de plantes et des compléments alimentaires rigoureusement sélectionnés, garantis en termes de composition, d’innocuité et de traçabilité. L’activité physique et l’hygiène de vie font également partie intégrante de cette approche globale. Deux notions sont alors indissociables : la formation scientifique et la qualité des produits. Des leviers existent pour que chaque pharmacien puisse se former à son rythme, selon ses besoins, et ainsi monter en compétence. Alors même que le législateur envisage d’élargir le périmètre d’action des infirmiers, notamment en leur donnant un droit de prescription sur certains médicaments ou examens, cette anticipation du rôle accru du pharmacien n’a rien d’utopique. Elle répond à une réalité en pleine évolution.

Venez rencontrer et poser vos questions à Kevin Burdin au Salon Soins & Nature, il participera notamment à une table ronde sur les « Pratiques de la santé naturelle en pharmacie : échanges et témoignages de pharmaciens », le mardi 1er juillet à 13h (salle Agora).